Se déplacer sous l’eau avec une monopalme de façon efficace dans le but de réaliser une performance nécessite de comprendre la technique de nage avec monopalme. Pour bien comprendre cette technique, il vous faut avoir une idée des lois de l’hydrodynamique. Ces lois permettent de comprendre le milieu dans lequel vous évoluez et permettent d’établir une partie des principes techniques dont je parlerai dans l’article suivant.
Lorsque vous vous déplacez dans l’eau vous allez rencontrer et créer des résistances. Ces résistances ont tendances à freiner votre déplacement : on parle de résistances à l’avancement.
Pour comprendre les différentes formes de résistances à l’avancement vous devez d’abord identifier deux choses :
le concept de maître couple et le « coefficient de forme ».
– Le concept du maître couple : C’est la surface du corps qui est présentée à l’avancement.
– Le « coefficient de forme » : C’est la forme totale du corps. On peut présenter un même maître couple avec une forme totale différente.
Cette forme en se déplaçant dans l’eau va engendrer certaines résistances. L’ensemble de ces résistances est appelé « résistance de forme ». Elle est la somme de trois résistances identifiées par Counsilman (1968) :
– Résistance frontale
– Résistance de frottement
– Résistance de traînée
Ces résistances sont dites passives, elles sont les résultantes de l’action de l’eau sur le corps subient passivement par le nageur.
Résistance frontale
C’est la résistance créée par la surface du corps présentée à l’avancement. Cette surface s’appelle le maître couple, il va créer des résistances lors de la pénétration dans l’eau.
Résistance de frottement
Lorsque le nageur se déplace dans l’eau, les molécules d’eau qui sont le plus près du corps (peau ou combinaison) adhèrent à celui-ci. La vitesse de ces molleculles est donc égale à zéro. Au fur et à mesure que l’on s’éloigne du corps la vitesse de ces mollécules d’eau augmente jusqu’à atteindre la vitesse des autres mollecules d’eau qui se trouvent dans « l’écoulement extèrieur ». La mince couche d’eau dans laquelle la vitesse augmente s’appelle « la couche-limite » (Jacques Lachnitt 1978). Du fait que deux couches d’eau infiniment voisines ont des vitesses différentes, il en résulte des forces de viscosité importantes. On parle de résistance de frottement.
Résistance de traînée
C’est une résistance tourbillonaire appelée également aspiration de queue. Cette résistance à l’avancement est extrêmement pénalisante : elle provoque un effet de succion, d’aspiration à l’arrière du corps.
NB : Entre la résistance frontale et la résistance de traînée, laquelle de ces deux résistances est la plus pénalisante ?
La lecture du résultat de l’expérience qui suit apporte une réponse intéressante. Lorsque 4 objets (a, b, c, d) de même poids et de même surface de maître couple sont lâchées dans l’eau (en considérant qu’ils gardent leur trajectoire durant leur chute) leur ordre d’arrivée au sol sera fonction de l’importance de leur résistance frontale et de leur résistance de traînée.
– La sphère « a » arrive première : elle a moins de résistance frontale et de résistance de traînée que les trois autres objets.
– Le disque « d » arrive dernier : il a plus de résistance frontale et de résistance de traînée que les trois autres objets.
– La demi sphère « b » arrive avant la demi sphère « c ».
Conclusion : les résistances de traînées sont plus pénalisantes que les résistances frontales.
La résistance de vague
La résistance de vague est liée aux mouvements réalisés à proximité de la surface de l’eau. En se déplaçant le nageur crée une zone de turbulences provoquant des vagues : la vague frontale à l’avant du corps et la vague de queue à l’arrière. Ces deux vagues freinent l’avancement du nageur car elles forment des zones de haute pression. Pour minimiser cette résistance le nageur avec palme crée avec la position de ses mains une vague supplémentaire à l’avant du corps qui interfère avec la vague d’étrave pour donner naissance à une vague résultante réduite, c’est ce qu’on appelle l’effet Bulbe. A l’avant de certains bateaux il existe un renflement cylindrique qu’on appelle un bulbe. Sa fonction est de créer une vague supplémentaire à l’avant dont le creux tombe là où devrait être la vague d’étrave. Les deux vagues interfèrent négativement et ont tendance à s’annuler ce qui réduit considérablement la résistance. Lors d’une épreuve de Dynamique un apnéiste peut être confronté à cette résistance s’il se rapproche trop de la surface. Pour éviter complètement cette résistance il lui faudra tout au long de son épreuve être à une profondeur supérieure à 3 fois le diamètre de son corps.
Synthèse des résistances passives
Si on cherche à réduire les résistances passives on va aussi chercher à créer des résistances actives qui vont elles servir d’appuis propulsifs : on parle alors de résistances propulsives. C’est par la création et le maintient des résistances propulsives que l’on se déplace dans l’eau.
On parlera de « résistance de traînee propulsive » pour toutes résistances résultant ou contribuant à un appui propulsif.
Synthèse de toutes les résistances passives et actives
La nage avec monopalme est la plus rapide des nages, c’est la « Formule 1 » des sports de palmes. La technique de nage qui évolue depuis 50 ans est celle qui s’adapte le mieux à la réduction des résistances à l’avancement. C’est celle qui produit le mouvement propulsif ayant le plus faible ratio de résistance de traînée propulsive.
La monopalme comme une aile d’avion ?
On peut considérer du moins théoriquement que la monopalme sous l’effet du flux d’eau (écoulement laminaire) qui passe sous et sur la monopalme, créant une zone de haute pression (surpression) et une zone de basse pression (dépression), est aidée dans son replacement horizontal. Les zones de surpression repoussent, celles de dépression attirent.
Il est intéressant de comprendre l’équation R=KSV², qui reprend les composantes mécaniques de la résistance à l’avancement (R = Résistance, K = Coefficient correspondant à la forme du corps , S = Surface du maître couple ,V= Vitesse).
NB : R=KSV² est vraie pour un corps rigide. Or le nageur a une géométrie variable et il cherche à minimiser la résistance. Des mesures en physiologie montrent que pour un nageur l’exposant est inférieur à 2. Di Prampero donne un exposant de 1,2 ce qui semble être adapté à un nageur en immersion. Pour la nage en surface un exposant de 1,5 serait plus réaliste.
Dans cette équation corrigée R=KSV^1,2 la vitesse majorée par un exposant démontre qu’elle est une composante déterminante.
Si la vitesse est nulle alors la résistance à l’avancement est nulle. Par contre en déplacement ce facteur vitesse a une incidence essentielle sur les résistances à l’avancement.
Si la vitesse est de 1 m par seconde on a : R=KxSx1
Si la vitesse est de 2m par seconde on a : R=KxSx2,3
En apnée on parle souvent de vitesse de l’ordre de 1m par seconde. Les résistances à l’avancement ne sont donc pas majorées par la composante vitesse mais il n’en reste pas moins que si votre style de nage n’est pas hydrodynamique (K et S pas optimisés), alors tout au long de votre performance vous produirez un effort plus important que nécessaire pour avancer.
À titre indicatif un nageur avec palme peut atteindre 3,6m par seconde (R=KxSx4,65). Nager vite c’est se confronter réellement aux différents types de résistances. Un bon chrono sous-entend une aptitude à réduire les résistances à l’avancement. Chaque fois que vous améliorerez votre chrono alors vous aurez amélioré objectivement votre style.
Nager avec une monopalme pour un apnéiste avec un style efficace n’est pas une tâche impossible. La plupart des défauts techniques que j’observe chez les apnéistes viennent principalement d’un mauvais apprentissage ou carrément d’un non-apprentissage de la technique de nage avec une monopalme. Il en résulte des résistances passives et actives importantes qui si elles étaient réduites auraient pour conséquences de pouvoir réaliser des performances avec plus de facilité, surtout à la fin d’un effort, soit : moins de fatigue, moins de consommation d’Oxygène, moins de production de CO2, moins d’accumulation de lactates, plus de sérénité, plus de lucidité, plus d’efficacité, moins de risques de perte de contrôle moteur, moins de risques de syncope.
Il vous faut donc optimiser votre style en travaillant la technique. Pour dompter les résistances à l’avancement, pensez à mettre régulièrement des séances de vitesse (chronométrées) dans vos entraînements piscine (en utilisant un tuba frontal par exemple ou bien en travaillant le 100m speed apnea). C’est indispensable !
Theo-Patrick FOURCADE
Références :
– Approche Scientifique de la Natation Sportive, 1992 Didier Chollet
– La mécanique des fluides, 1978 Jacques Lachnitt
– La science de la Natation, 1968 James E. Cousilman
– The Energy Cost of Human Locomotion on Land and in Water, 1986 Di Prampero (equation N°17)
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