Connaissances de base sur la voilure de monopalme

Comme je l’ai dis précédemment, dans les années 70 les voilures sont faites en tissus de verre. À cette époque, le matériel utilisé pour faire les voilures n’est pas spécialement conçu et produit pour devenir une voilure de monopalme.

La matériel qui va être transformé est une plaque de tissus de verre. D’une taille d’environ 1mx1m et d’une épaisseur de 2-2,3mm. Cette épaisseur de 2-2,3mm est composée de 20-23 couches de tissus de verre. Cette plaque est recouverte sur une de ses faces d’une fine couche de cuivre (qui sera retirée plus tard avec d’autres couches lors de sa transformation).

Fig.1 – Plaque de Tissus de Verre utilisée pour faire une voilure de monopalme

Comment cette plaque est-elle fabriquée ?

Quand on parle de plaque de fibre de verre, on parle d’une plaque faite de tissus de verre et de résine. Au début cette « fibre de verre » est un fil, qui va être tissé pour devenir un tissus (chaîne et trame). Imaginez un rouleau de tissus en fil de verre : on en coupe 20 morceaux de la même taille et après les avoir superposés ils sont imbibés de résine liquide. L’ensemble est pressé par une presse hydraulique chauffante. À la fin du processus vous avez une plaque dure de tissus de verre et de résine. Ce genre de plaque était utilisé  comme isolant contre le feu dans les sous-marins Soviétique. Les ingénieux fabricants de monopalmes Russes ont trouvé le bon matériel pour être transformé en voilure de monopalme.

Mais il faut maintenant transformer cette plaque en voilure pour la nage avec palme. En effet elle ne peut être utilisée dans son état originel, un nageur ne peut pas utiliser une voilure de 2mm d’épaisseur. Celui qui va transformer la plaque de 2mm en voilure de monopalme va devoir enlever des couches de tissus, on dit que  la plaque va être « déclivée ». Le fait de décliver des couches de tissus de verre va permettre de déterminer la dureté et/ou la souplesse de la voilure. Pour commencer, il faut dessiner puis découper la forme de la voilure sur la plaque. La deuxième étape  consiste à déterminer la dureté ou la souplesse de la voilure en dessinant les couches de tissus qui vont devoir être retirées. La voilure sera plus épaisse sous le pied et ira en s’affinant vers l’extrémité.

Fig.2 – Transformation à la main d’une plaque de tissus de verre

En décidant combien de couches vont être retirées, à quels endroits et sous quelles formes on peut aussi déterminer le point de courbure. Ce point de courbure est très important pour dédier une palme à des courses de surface ou d’immersion. Ici nous sommes intéressés par des voilures pour apnéistes, le point de courbure devra donc être au milieu de la voilure.

Fig.3 – Point de courbure

Il est également possible d’augmenter la « nervosité » de la voilure en laissant des bandes de matières plus épaisses par endroits. Quand la palme se plie durant son utilisation dans l’eau, ces bandes vont aider la voilure à revenir très vite à sa forme initiale effectuant un travail sur l’eau qui est favorable à la propulsion. 

Fig.4 – Les renforts vont aider la voilure à être plus réactive, on dit : “plus nerveuse”.

Comment font-ils pour enlever les couches de tissus de verre ?

Ils utilisent des outils spécifiques : Le premier est utilisé pour découper/délimiter la couche qui va être enlevée et le second sert à la décoller du reste de la voilure. Le premier outil ressemble à un pic à glace utilisé comme un cutter, pour délimiter et couper, en raclant, comme si on laissait une rayure, juste ce qu’il faut pour ne pas endommager la couche du dessous. Le deuxième outil ressemble à un couteau de tapissier avec une lame fine et un bout arrondi pour passer entre les couches afin de les séparées. Les personnes capables de faire correctement ce travail sont vraiment très talentueuses !

Aujourdhui, il y a toujours des voilures déclivées à la main, mais de nouveaux procédés industriels permettent de fabriquer des voilures de monopalme. La fabrication de ces nouvelles voilures est plus simple, plus basique. De mon point de vue ces nouvelles voilures ne ressemblent plus à des œuvres d’arts faites par des artisans à la main. Ces procédés industriels utilisent des tissus de verre pré-imprégnés (PréPreg – la résine sous forme semi solide imbibe déjà le tissus, ce qui facilite la manipulation). Le Prépreg  est donc découpé à la taille choisi pour constituer les « déclives » simplifiées de la voilure. Ils sont superposés et passent sous une presse hydraulique chauffante. La voilure est déjà finie, il suffit alors de découper sa forme dans la plaque qui vient d’être réalisée. Ce procédé est plus rapide.

Fig.5 – Utilisation de tissus de verre pré-imprégnés pour faire une voilure de monopalme

Avantages et Inconvénients :

– Première méthode : personnalisation extrême, on se retrouve avec une pièce unique qui aura demandé un long travail d’artisan expert. Il faut beaucoup d’expériences pour maîtriser les paramètres permettant d’adapter la voilure au nageur. Vous n’aurez jamais deux fois la même voilure car il est impossible de la reproduire à l’identique. 

– Nouvelle méthode : une fois que la voilure a été mise au point, le procédé est facile à contrôler et rapide à mettre en place. Le fabricant sera capable de reproduire la même voilure à l’infini et ça, c’est plutôt bien. Je rajouterai qu’il me semble malgré tout que ces voilures perdent quelquepart en performance car il n’y a pas de bandes permettant d’augmenter la nervosité de la palme comme sur la fig.4.

À propos des voilures en carbone

Les voilures en carbone sont plus légères et plus dures, ce qui signifie qu’il faut moins de couches de tissus de carbone, à dureté équivalente, que pour une voilure en tissus de verre. C’est un problème car cela rend la voilure de carbone très fragile. Mais de mon point de vue ce n’est pas le seul soucis. Dans mes conversations avec des professionnels en matériaux composites, le carbone et la résine ne s’associent pas très bien sur le long terme quand ils sont utilisés pour des voilures de palmes. C’est comme si vous aviez un temps limité de performances méchaniques, comme si après 250 heures d’utilisation, la voilure perdrait en efficacité. Cela serait dû à la «connexion» entre le carbone et la résine qui au delà d’un certain nombre de déformations répétées, serait suffisament endommagée pour diminuer significativement le rendement méchanique. Dans votre pratique sportive votre voilure en carbone était performante au début, mais plus vous nagez avec, plus vous l’abîmez. La perte de performance ne vient pas de vous ou n’est pas uniquement à cause de vous, elle vient en grande partie de votre voilure en carbone qui a vieillit. En général les gens adorent le tout carbone parce que le carbone est réputé dans le monde des matériaux composites. Ce n’est pas 100% vrai dans le monde de la monopalme où la voilure en carbone qui subit des déformations extrêmes, se détériore structurellement dans le temps. Si vous êtes débutant, ne vous jetez pas sur la dernière palme en carbone qui coûte certainement très cher. Si vous êtes un athlète de haut-niveau, pourquoi pas – mais utilisez votre monopalme uniquement pour la compétition. Ce qui est également bon à savoir c’est qu’il y a beaucoup de voilures en carbone qui ne sont pas constituées uniquement de carbone : souvent la premiere couche et la dernière couche sont en carbone quand l’intérieur de la voilure est en tissus de verre.

J’utilise des voilures en tissus de verre comme la très grande majorité des nageurs avec palmes. Si votre technique de nage et votre condition physique ne sont pas très bonnes, il n’y a aucune raison pour vous d’avoir une voilure en carbone.

Avant de vous offrir un matériel coûteux, méritez le !
Allez vous entraîner !

Theo-Patrick FOURCADE

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